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Décision n° 2005-1079 du 6 décembre 2005 fixant le taux de rémunération du capital employé pour évaluer les coûts et les tarifs des activités fixes régulées de France Télécom pour les années 2006 et 2007


NOR : ARTE0500118S



L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,

Vu la loi no 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, et notamment son article 133 ;

Vu le code des postes et communications électroniques, et notamment ses articles D. 311, D. 312 et R. 20-30-11 ;

Vu la décision no 2003-1094 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 7 octobre 2003 fixant le taux de rémunération du capital employé pour évaluer les tarifs d'interconnexion et les tarifs du dégroupage de la boucle locale de France Télécom pour l'année 2004 ;

Vu la décision no 2005-0571 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 27 septembre 2005 portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre ;

Vu la décision no 2005-0280 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 19 mai 2005 portant sur les obligations imposées à France Télécom en tant qu'opérateur exerçant une influence significative sur le marché de gros des offres d'accès large bande livrées au niveau régional ;

Vu la décision no 2005-0281 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 28 juillet 2005 portant sur la définition du marché des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau national, sur la désignation d'un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché et sur les obligations qui lui sont imposées ;

Vu la décision no 2005-0988 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 8 novembre 2005 fixant le taux de rémunération du capital employé pour évaluer les tarifs du dégroupage de la boucle locale de France Télécom pour les années 2006 et 2007 ;

Vu la recommandation de la Commission du 19 septembre 2005 concernant la séparation comptable et les systèmes de comptabilisation des coûts au titre du cadre réglementaire pour les communications électroniques, publiée au Journal officiel de l'Union européenne le 11 octobre 2005 ;

Vu la position commune ERG (05)29 de 2005 du groupe des régulateurs européens « Guidelines for implementing the Commission Recommendation C(2005) 3480 on Accounting Separation & Cost Accounting Systems under the regulatory framework for electronic communications » ;

Après en avoir délibéré le 6 décembre 2005 :



I. - Cadre juridique


Le nouveau cadre juridique mis en place par la loi du 9 juillet 2004 susvisée impose à l'Autorité de mener une analyse des marchés pertinents du secteur des communications électroniques afin de constater l'existence ou non d'opérateur disposant d'une influence significative et d'imposer les obligations proportionnées aux objectifs de régulation répondant aux problèmes de concurrence constatés.

Conformément à ce nouveau dispositif réglementaire, l'Autorité a mené :

- l'analyse des marchés de la téléphonie fixe correspondant aux marchés 1 à 10 définis par la Commission européenne. A ce titre, l'Autorité a imposé aux prestations desdits marchés de gros de France Télécom l'obligation d'orientation vers les coûts et de comptabilisation des coûts, et aux prestations desdits marchés de détail l'obligation de comptabilisation des coûts ;

- l'analyse du marché des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau régional et a imposé à France Télécom l'obligation d'orientation vers les coûts, ainsi que celle de comptabilisation des coûts ;

- l'analyse du marché des offres de gros d'accès large bande livrées au niveau national et a imposé à France Télécom l'obligation de comptabilisation des coûts.

Par ailleurs, les offres associées à la fourniture d'une des composantes du service universel sont soumises à l'obligation d'orientation vers les coûts au titre de l'article R. 20-30-11 du CPCE.

Lorsqu'elle impose une obligation d'orientation vers les coûts, l'Autorité doit veiller « à assurer une rémunération raisonnable des capitaux employés, compte tenu du risque encouru », aux termes de l'article D. 311 du CPCE.

Cette notion de rémunération raisonnable se traduit à travers la détermination par l'Autorité du taux de rémunération du capital à fin de comptabilisation des coûts, comme le précise l'article D. 312 :

« L'Autorité détermine le taux de rémunération du capital utilisé. Ce taux tient compte du coût moyen pondéré des capitaux de l'opérateur concerné et de celui que supporterait un investisseur dans les activités de communications électroniques en France. »


II. - Décisions antérieures


Pour l'année 2004, l'Autorité avait fixé dans sa décision no 2003-1094 susvisée le taux de rémunération du capital employé à 10,4 % pour l'interconnexion et le dégroupage.

Pour les années 2006 et 2007, l'Autorité a fixé le taux de rémunération du capital de France Télécom à 9,8 % pour le dégroupage.


III. - Méthode employée par l'Autorité

La méthode


La mesure du coût du capital est un sujet sur lequel l'Autorité a sollicité des expertises extérieures durant plusieurs années. Elle a notamment confié des études à des cabinets spécialisés en finance.

Au cours des différents exercices, de nombreux échanges ont ainsi permis de consolider et d'améliorer la méthode, fondée sur le coût moyen pondéré du capital et le modèle d'équilibre des actifs financiers (MEDAF), ainsi que le préconisent l'article D. 312 du CPCE et la position commune du GRE sur la séparation comptable et la comptabilisation des coûts susvisés.

De nombreux points ont ainsi pu être arbitrés et sont reconduits dans la présente évaluation.


Les contingences dans l'évaluation de certains paramètres


Il est apparu depuis quelques années que plusieurs paramètres utilisés par l'Autorité dans la méthode de détermination du taux de rémunération du capital étaient soumis à certaines contingences, peu compatibles avec l'évaluation de coûts d'investissements engagés sur un horizon de long terme.

Concernant plus particulièrement l'appréciation du risque tel qu'il est utilisé dans le MEDAF, il est apparu en 2002 que la très forte augmentation de la volatilité boursière, et en particulier des titres télécoms, rendait difficile son évaluation en se fondant uniquement sur des données de marché souvent polluées par des comportements spéculatifs.

Par ailleurs, les évolutions de valorisation et de structure de capital de France Télécom au cours des années récentes, ainsi que la stratégie de cet opérateur à l'international sont autant d'éléments qui viennent perturber l'évaluation du coût du capital pertinent pour les activités régulées.


La mise en oeuvre d'une approche de long terme


Sur la base de ces constats, l'Autorité a cherché, à méthode constante, à prendre en compte des paramètres évalués dans une perspective de plus long terme, et fondés sur des raisonnements moins contingents.

Cette évolution a été préparée notamment à travers différents échanges au cours de l'année 2003 :

- échanges multilatéraux avec le secteur ;

- séminaire public ;

- appels à commentaires.

L'Autorité considère qu'une approche de long terme est souhaitable pour le secteur et que les paramètres cibles évalués en 2003 restent pertinents pour les années 2006 et 2007, ainsi que développé ci-après.


IV. - Evaluation du taux pour les années 2006 et 2007


Le coût du capital est calculé comme une moyenne pondérée entre :

- le coût des capitaux propres, correspondant au taux de rentabilité demandé par les actionnaires de l'entreprise pour l'activité considérée ;

- le coût de la dette de l'opérateur.

Cette pondération est basée sur une structure d'endettement cible.


La mesure du coût des capitaux propres


Conformément à la position commune du GRE susvisée et aux décisions antérieures de l'Autorité, le coût des capitaux propres est évalué selon le modèle d'équilibre des actifs financiers (MEDAF) selon la formule :


ke = Rf + (Rm - Rf)


et nécessite l'établissement des paramètres suivants :

- le taux sans risque Rf : la valeur du taux sans risque de référence choisie par l'Autorité est celle des obligations assimilables du Trésor (indice TEC à 10 ans). Pour les années 2006 et 2007, l'Autorité s'est référée aux prévisions des analystes financiers ;

- pour l'année 2006, celles-ci varient entre 3,35 % et 3,8 % lorsqu'elles reposent sur des analyses de cours. Pour l'année 2007, une légère hausse est anticipée par les acteurs et pourrait conduire à un taux sans risque compris entre 3,5 % et 4 % ;

- par ailleurs, l'utilisation d'un modèle d'équilibre de long terme conduirait à utiliser un taux plus élevé, proche de 6 % ;

- compte tenu de ces éléments, l'Autorité a retenu pour les années 2006 et 2007 un taux sans risque moyen de 3,7 % ;

- la prime de marché (Rm - Rf) : l'Autorité s'est appuyée sur les différentes études et analyses dont elle a eu connaissance pour retenir la prime de marché correspondant au taux de rentabilité attendu par les investisseurs. Elle a retenu une prime de marché de 5 % ;

- le risque spécifique de l'investissement (bêta) lié à l'activité fixe : pour évaluer ce risque, l'Autorité a comparé les données financières disponibles pour France Télécom à des échantillons d'opérateurs européens comparables. Elle a par ailleurs confronté ce résultat aux valeurs retenues par différents régulateurs européens pour le calcul de taux de rémunération comparables. Ces différentes approches permettent de retenir un bêta de 1.

Conformément aux décisions précédentes, l'Autorité n'a pas pris en compte l'avoir fiscal, comme c'est la pratique en France pour le calcul du coût des capitaux propres.

Le coût des fonds propres avant impôt ainsi calculé est de 13,3 %.


La mesure du coût de la dette


L'Autorité a déterminé le coût de la dette à partir du taux sans risque défini précédemment, auquel s'ajoute une prime de risque de la dette de l'entreprise. Ce coût de la dette avant impôt a été évalué à 4,7 % pour les années 2006 et 2007. Il incorpore une prime de dette de 1 %. La valeur de cette prime de dette est prospective et s'applique à des investissements de long terme. Elle se situe aujourd'hui entre le coût moyen et le coût immédiat de la dette de France Télécom, et est cohérente avec la structure d'endettement retenue.


V. - Taux de rémunération du capital nominal


Le coût du capital s'établit à la moyenne pondérée de ces deux valeurs, soit 9,8 %.

L'évolution du niveau de ce taux par rapport à celui établi par la décision no 2005-0789 résulte principalement de la baisse observée du taux sans risque.


VI. - Lien avec le taux de rémunération du capital réel


Pour certaines prestations, l'Autorité pourrait être amenée à utiliser un taux de rémunération réel, c'est-à-dire hors effet de l'inflation.

Ce taux se déduit donc du taux nominal calculé ci-dessus par la formule suivante :


1 + an = (1 + ar) * (1 + i)


où an représente le taux de rémunération du capital nominal,

ar le taux de rémunération du capital réel

et i l'inflation.

Selon le projet de loi de finances pour 2006 (1), l'inflation devrait être de 1,8 % en moyenne annuelle en 2006. Cette prévision semble pouvoir être prolongée en 2007. L'Autorité a donc retenu une progression des prix de 1,8 % en moyenne sur ces deux années.

Cette hypothèse est donc compatible avec un taux réel de 7,9 % pour les années 2006 et 2007.


VII. - Périmètre d'application de la décision


Le taux de rémunération fixé dans cette décision repose sur une évaluation du risque global de l'activité fixe de France Télécom. Il a donc vocation à s'appliquer à toutes les offres régulées de France Télécom reposant sur l'utilisation de son réseau fixe, lorsque ces offres sont soumises à une obligation d'orientation vers les coûts ou de comptabilisation des coûts.

Par ailleurs, certaines offres de gros ou de détail, qui sont incluses dans les activités fixes de France Télécom, mais n'ont pas encore fait l'objet d'une analyse définitive de l'Autorité, pourraient être soumises avant fin 2007 à des obligations d'orientation vers les coûts ou de comptabilisation des coûts au titre d'une décision d'analyse des marchés ou d'une décision spécifique prise pour l'application d'une telle décision et précisant, pour une prestation donnée, les modalités de ces obligations. Elles nécessiteront dès lors la détermination d'un taux de rémunération du capital. Certaines de ces offres sont par ailleurs déjà soumises à une obligation d'orientation vers les coûts au titre de l'article 133 de la loi du 9 juillet 2004 susvisée.

Dès lors que ces offres font partie du périmètre des activités fixes de France Télécom, leur risque a été analysé dans la présente décision conjointement à l'ensemble des activités fixes régulées. Le taux de rémunération du capital pertinent est donc celui défini dans la présente décision,

Décide :


Article 1


Le taux de rémunération du capital nominal avant impôt, utilisé pour évaluer les coûts et les tarifs des activités fixes régulées de France Télécom, est fixé à 9,8 % pour les années 2006 et 2007.

Article 2


Le directeur général de l'Autorité de régulation des communications est chargé de l'application de la présente décision, qui sera publiée au Journal officiel et notifiée à France Télécom.


Fait à Paris, le 6 décembre 2005.


Le président,

P. Champsaur


(1) Rapport social, économique et financier du ministère des finances, tome I, Perspectives économiques 2005-2006 et évolution des finances publiques.